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Interview réalisé le 17 mai. Zanina Mircevska est une auteur moderne, elle a écrit plus d'une vingtaine de pièces, dont la plupart primées ou nominées pour le Prix Slavko Grum du meilleur texte dramatique de l'année en Slovénie (où elle habite actuellement).

Est-ce qu’en écrivant vous pensez au lieu et au temps scénique, à l’espace dramatique ?

Toujours, j’essaie de donner une forme différente qui serait une forme de défit pour les acteurs et pour la mise en scène. C’est ainsi que j’ai senti le texte, on peut aussi se dire que tout cela ce sont les voix différentes d’une même personne qui parle.

Pourquoi avoir pris le parti de faire une répartition des répliques ainsi qu’une typographie non formelles ?

On peut les écrire différemment, il y a une autre logique mais on perd le rythme de l’écriture. Le texte est né par les dialogues que j’ai eus à l’intérieur de moi-même. Des théâtrologues diraient que le texte peut aussi être joué comme un monologue, mais même dans un monologue il y a en fait du dialogue.

On a l’impression que la forme même de la pièce, ainsi que l’enjeu dramatique tendent à se dissoudre, avez-vous travaillé cette dissolution ?

J’ai senti l’histoire comme ça, ce n’était pas absolument volontaire mais je savais, dès le début, que le personnage principal allait passer d’une situation dramatique à l’autre. Je voulais trouver ce qui est le plus palpable, drastique, dans ce qui allait se passer. La manière d’être obsédé au plus haut point par la consommation ce serait de se manger soi-même.

Les personnages aussi entretiennent une ambiguïté quant à leurs matérialités : fonction, nom, qu’est ce qui compte le plus ? Quel sens ça prend ?

Le texte est un conte, une fable, comme si le personnage s’était trouvé dans le pays des miracles. Les personnages sont en effet des personnages mais aussi des archétypes de mère, de gardiens, d’esclaves, d’enfants… Ils sont aussi transformés : l’enfant n’est plus un enfant, la mère n’est pas seulement une mère mais aussi un octopode parce qu’elle a rassemblé une richesse énorme et sans fin, et génétiquement elle transmet ça à son fils. Le texte est comme un jeu qui se fait dans l’imagination de l’auteur mais finalement on peut reconnaitre cette imagination dans la vie réelle.

Est-ce qu’il a cette réflexion sur l’identité, par exemple entre le nom et la fonction parce que, pour ceux qui sont des animaux, on a tendance à l’oublier, on oublie également les fonctions sociales, est-ce qu’il y a un rapport à l’identité des individus ?

Même les animaux ont une fonction sociale, le cheval est plus sage et plus compréhensif que son maître, je pose même la question que l’homme qui se met au centre de tout, alors que rien ne nous donne le droit d’être au-dessus de tout le reste.

La fable est souvent utilisée en Macédoine ?

Non en Macédoine il n’y a pas de texte semblable, je ne peux pas dire qu’il vient d’une tradition, il est même jugé comme un phénomène nouveau et particulier.

Pour vous, faut-il toucher le public ? Dans le fond, quel impact politique cherchiez-vous ? On peut dire que c’est une pièce politique ?

L’hédonisme en soi n’est pas une mauvaise chose, c’est humain de vouloir avoir des biens matériels mais la problématique du texte c’est le mal qu’on fait en voulant posséder tout ça ; le personnage principal ne pense qu’à se nourrir mais il n’est même pas conscient que, dans son intention de se nourrir soi-même, il est en train de commettre des horreurs : pédophilie, vol, cannibalisme… D’un côté c’est normal qu’on veuille posséder mais on ne se rend pas compte du mal qu’on fait. Les animaux mangent seulement ce dont ils ont besoin. En général la consommation matérielle c’est une exploitation de l’autre. Brecht disait « Si tu veux avoir, il faut que tu prennes à quelqu’un d’autre ». Donc c’est avant tout une pièce politique à tous les niveaux. Quand on regarde nos sociétés du plus bas au plus haut, c’est une obsession de nos gorges, de nos estomacs.

Vous utilisez donc beaucoup de métaphores…

Ce n’est pas seulement comme une métaphore mais aussi comme un conte, un conte d’horreur. Il se termine comme il a commencé, cet homme ne sortira jamais de ce cercle vicieux. Il y a un des personnages qui dit de lui qu’il n’en restera rien, c’est d’ailleurs pour cela qu’il a mangé son nom.

Cette pièce pose une question à la fin mais ne donne pas de réponse…

La réponse est dans la question qui est posée.

Réalisé par Sarah Saint-Pierre et Eloi Weiss

Rencontre avec Zanina Mircevska, une auteure macédonienne.
Tag(s) : #Interview
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